mercredi 29 octobre 2014

LETTRE OUVERTE AUX INFIRMIERS - par Me DANJARD avocat à Toulon


LETTRE OUVERTE AUX INFIRMIERS
Toulon, le 28 octobre 2014
Nous avons malheureusement tendance, dans nos sociétés modernes à favoriser le numérique sur l'humain. Peut être est-ce là le signe que nous avons atteint notre seuil d'incompétence.
La CPAM, qui a, à notre égard, le devoir de lutter contre les fraudes s’arc-boute sur l'utilisation de son logiciel pensant trouver dans une activité « atypique » la preuve irréfutable d'une fraude.
Travailler plus et mieux que la moyenne de ses confrères n'est pas une preuve en soi de malversation. C'est peut être la démonstration que certains professionnels sont meilleurs que d'autres. La caisse n'a certainement pas vu le problème sous cet angle.
Aujourd'hui nous nous retrouvons dans une logique d'affrontement entre la caisse et les professionnels de santé. C'est une guerre violente et malsaine qui crée une ambiance délétère pour les professionnels de santé. Ils ne sont plus des interlocuteurs et des partenaires mais des
fraudeurs en puissance qu'il faut débusquer entre les lignes de saisie informatique.
Des fraudeurs, il en existe, mais ils ne forment pas une majorité, loin de là. Il y a des fraudeurs dans toutes les couches de la société et dans toutes les professions. Le gouffre abyssal du trou de la sécurité sociale n'a pas pour seule raison, loin de là, les fraudes commises par certains professionnels.
Avec une telle attitude les professionnels de santé se retrouvent être mis au ban de la société car considérés comme des fraudeurs. Ils travaillent dans l'insécurité permanente. Alors qu'officiellement le gouvernement veut lutter contre l'insécurité au travail, le stress... de part la politique menée par les caisses, les professionnels de santé se retrouvent de facto jetés à la vindicte populaire dans l'insécurité permanente.
Comment travailler sereinement en devant faire application de la NGAP qui est tout aussi incompréhensible qu'imprécise donnant tout loisir à la caisse d'interpréter les textes selon son bon vouloir.
Si le professionnel a l'obligation de coter ses actes et de réaliser ses interventions pour minimiser le montant des remboursements, pour autant, l'intérêt du patient doit passer avant toute considération d'ordre comptable. Pour cela il faudrait que la caisse finisse par comprendre que le professionnel est un allié et non un ennemi, que le seul but à rechercher, est d'apporter à tout un chacun la meilleure qualité de soins. Les efforts ne sont demandés que dans un seul sens. La cotation des actes en est un exemple, les efforts ont été consentis par la profession et la caisse essaye par tous moyens de reprendre d'une main ce qu'elle n'a pas donné.
Les procédures qu'elle engage sont inquisitoires et malveillantes. Pourquoi alors qu'elle opère des régularisations ponctuelles, portant sur de faibles sommes, elle enclenche pour certains, des rappels portant sur plus d'une année et sur des sommes très lourdes au risque de détruire économiquement l'infirmier et le privant ainsi de véritable moyen de preuves.
Comment se rappeler plusieurs mois plus tard …
La caisse qui a le libre choix des moyens de poursuites : indu, pénalités financières, conseil de discipline, poursuites pénales, ne se prive pas dans certains cas de tous les utiliser, en faisant feu de tout bois.
Heureusement nos juridictions semblent prendre conscience de l'ampleur du problème et peu à peu la jurisprudence vient infléchir cette situation.
interdiction pour la caisse de revenir sur des ententes préalables sauf cas de fraude
obligation pour la caisse de notifier au préalable au professionnel les règles à appliquer
rejet des demandes d’indu prévisionnel...
responsabilité de la caisse en cas de contrôle tardif
...
L'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence 5° chambre des appels correctionnels 16/09/2014 rappelle que la preuve doit être rapportée par la caisse et dans ses motifs stipule :
« Sur la culpabilité
La cour note à titre préliminaire qu'aucune autre investigation que celles faites par la partie civile n'a été réalisée avant l'engagement des poursuites à l'encontre de la prévenue. Ainsi, en ce qui concerne le chef essentiel de fraude allégué par la CPAM, la cour constate que celle-ci a considéré comme fictifs les actes dont la réalisation entraînait selon elle une durée de travail journalière excessive. La poursuite n'est ainsi fondée que sur une étude statistique, tout acte au delà de 17 heures de travail étant présumé inexistant et constitutif d'une escroquerie. En conséquence de quoi, aucun assuré social n'a été entendu, et aucune enquête n'a été menée pour déterminer précisément quels actes facturés par Mme SOUDRY seraient fictifs.
La cour estime que de simples éléments statistiques, non corroborés par le constat des faits matériels, sont insuffisants pour entrer en voie de condamnation. En effet, la procédure n'établit pas que Mme SOUDRY s'est faite rémunérer pour des soins qu'elle n'a pas prodigués mais se borne à souligner qu'il n'est pas possible qu'elle ait réalisé autant d'actes tout en respectant les normes de temps de la "nomenclature générale des actes professionnels". Il n'est donc pas exclu que Mme SOUDRY ait bien effectué l'ensemble des tâches dont elle a sollicité le paiement sans respecter le temps habituellement prévu pour les réaliser correctement, ce qui n'est pas déontologiquement recommandable, mais n'est pas constitutif d'une escroquerie. Cette incertitude est source d'un doute qui doit bénéficier à la prévenue, qui sera relaxée de ce chef.
S'agissant des majorations de nuits pour des soins d'hygiène, il est reproché à Mme SOUDRY de les avoir facturées alors que les médecins ordonnateurs n'avaient pas prescrit des interventions nocturnes. Toutefois, les médecins interrogés par la CPAM sur ce point n'ont pas été aussi affirmatifs que le soutient la plaignante. Ainsi le docteur xxxxx, interrogé par l'enquêteur de la partie civile sur le cas de la patiente xxxxxxx, a répondu à ses sollicitations en indiquant "comme suite à notre entretien téléphonique, les actes postérieurs à cette date ne seront plus comptés en nuit même si effectivement l'infirmière passe souvent après 20 heures pour la changer pour la nuit et éviter les escarres chez cette patiente grabataire". Le docteur xxxxxxx s'est borné, s'agissant de la patiente xxxxxxx, à indiquer à la CPAM "qu'à son souvenir, elle n'avait jamais bénéficié de soins après 20 heures". Seul le docteur xxxxxxx, concernant les patients BRUYERE, a déclaré que les soins "n'avaient pas de nécessité à être effectués après 20 heures".
La cour constate de nouveau qu'aucun de ces trois patients ni aucun de leurs proches n'a été entendu pour déterminer l'heure habituelle de passage de Mme SOUDRY à leur domicile. La prévenue dit avoir prodigué les toilettes tardivement pour que les patients soient couchés le plus tard possible et éviter la survenue d'escarres, ce qui apparaît sensé. Il n'est donc pas établi que Mme SOUDRY ait sciemment trompé la CPAM en facturant des majorations de nuit pour des actes réalisés avant 20 heures. Le fait d'effectuer des soins après cette limite horaire, bien que la prescription ne l'ait pas prévue, n'est pas constitutif du délit d'escroquerie faute d'élément intentionnel. »
Mme SOUDRY qui avait été condamnée à 6 mois de prison avec sursis et à 45.000 € en première instance, est morte des suites d'une longue maladie quelques jours avant la décision de la cour qui a prononcé sa relaxe pure et simple.
Que de gâchis.

Me Pierre DANJARD.

1 commentaire:

  1. Eh,oui,entre autres la CPAM ne tiens pas en compte le temps qu'on passe en courant derrière le médecin pour se faire la prescription,et encore il faut que soit écrit correctement... ou cas ou le contrôle arrive un jour et te foutre tout ton travail a la merde.
    Et puis ,ou est l'ONI en tout ca?

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